Nadia Szczepara

Le Chant du chantier

Le projet pictural consiste à peindre les métamorphoses d’un paysage urbain, la rue d’Auvours, depuis la friche arborée jusqu’à l’espace d’habitation (2013-2016).

Tout a commencé lorsque Nadia Szczepara installe son atelier au 3ème étage du 13 rue Bergère, en janvier 2013. Elle travaille alors à la réalisation d’une cinquantaine de portraits de bocains suite à une longue résidence dans le bocage vendéen. Ce travail est minutieux et demande une grande concentration. Dans les moments de relâche où l’esprit a besoin de se détendre, elle laisse son regard flâner par la fenêtre et se perdre dans le feuillage de la friche arborée qui s’étend de l’autre côté de la rue d’Auvours. Elle rêve avec la danse des oiseaux, contemple les parties de pétanque et s’émerveille de l’explosion printanière du cerisier en fleurs. Parfois, entre deux portraits, la main et le regard ont besoin de se délier et d’abandonner, le temps d’une toile, la rigueur du détail pour apaiser une soif de liberté insistante. Elle pousse alors le chevalet au bord de la fenêtre et peint d’un geste libéré, expressif et enthousiaste, le spectacle qui s’offre à elle.

Depuis qu’elle est à Nantes, Nadia espère trouver le courage de peindre sur le vif le paysage urbain et planter son chevalet dans les rues de la ville, comme elle a pu le faire dans les champs bulgares, dans le désert algérien ou dans le bocage vendéen. Mais pour peindre, il lui faut le silence et la paix.

Elle n’a pas la vaillance d’affronter le regard des passants et se contente de peindre, du haut de son atelier, le paysage à la portée de sa vue. Et voilà qu’un jour, une immense affiche devant le cerisier annonce le projet de Kaufman & Broad.

En moins d’une semaine, un gros tractopelle met fin à la lassitude du paysage unique en le ravageant intégralement. Même le cerisier. Nadia ressent à ce moment une émotion très vive qu’elle a du mal à définir sur le coup. Certes il y a un peu de nostalgie pour l’îlot de verdure, le chant des oiseaux et les fleurs du cerisier, mais ce qu’elle éprouve est, comment dire, plus monumental : une véritable construction se prépare devant ses yeux.

À travers le cadre de sa fenêtre, le paysage unique se voit remplacé par un spectacle évolutif.

Chaque jour, un nouveau chapitre, une nouvelle vision, un nouveau tableau. Sous le martellement de l’homme qui modifie son environnement, Nadia construit son tableau. Elle vit une sorte d’apothéose au moment où elle découvre les trois « constructions » de John Cage. A cet instant, tout semble s’harmoniser dans un ordre poétique et tomber sous le charme de la mécanique. Étage après étage.

En cherchant à faire rentrer le projet du carré d’Auvours dans le carré de la toile, Nadia tient une sorte de journal pictural et poétique du chantier. Le pinceau est émotif, les touches sont vivantes et les nuances de couleurs dansent.

Le chantier chante.

Nadia Szczepara - Le chant du Chantier
Nadia Szczepara - Le chant du Chantier
Nadia Szczepara - Le chant du Chantier
Nadia Szczepara - Le chant du Chantier
Nadia Szczepara - Le chant du Chantier